Aéroport de Barcelone.
Moi à l’heure pour une fois.
Avion en retard !
Quai d’embarquement … Je m’assieds, curieux d’expérimenter ce que ça fait d’être à l’avance.
Dans la rangée de sièges devant moi, juste en face, un couple, le ton monte, crescendo, me voilà un peu piégé dans une bulle d’intimité dérangeante et il serait peut-être un peu rustre de me lever d’emblée pour changer de place.
Les reproches fusent, l’ambiance est électrique, chargée, j’ai l’impression d’être dans leur cuisine, et je n’ai rien à faire là !
Mon casque … Il voyage toujours avec moi !
Soulagé d’avoir trouvé une parade à l’empiétement que cette conversation provoque sur les limites de ma bulle de proximité, la musique commence, ils deviennent tout à coup comme des acteurs muets dans un film, et c’est là que me frappe de plein fouet la puissance de ce qui se passe entre eux, à quoi les mots m’avaient soustrait d’une certaine manière, comme si tout à coup, privés de leur joute verbale et des mots cinglants qu’ils se renvoient comme une balle de tennis au dessus d’un filet, j’avais une vision beaucoup plus nette et immédiate de leurs interactions !
C’est une boutade évidemment ,mais au niveau de l’authenticité de ce qu’ils échangeaient, je suis passé sans transition de la cuisine à la chambre à coucher !
Plus rien ne mentait !
J’étais en prise directe avec leurs émotions profondes et authentiques.
Ce qui se disait là sonnait juste, n’était cadenassé par rien, la colère n’était censurée par aucune retenue, la veine qui palpitait sur la tempe de la femme annonçait un orage dévastateur, définitif.
Je change de place, ma limite est dépassée, l’impression si je reste là de passer de spectateur à voyeur !
Je reprends mes esprits.
C’est tout de même très interpellant que l’observation de ces deux personnes m’a livrée plus de choses d’eux mêmes et de leur relation que quand je les entendais parler, et je ne peux m’empêcher de faire le lien avec cette phrase clé de Richard Bandler, co-fondateur de la PNL qui dit que nous ne pouvons pas ne pas communiquer !
Tout est communication et quand on sait que les mots ne représentent que 7% de l’ensemble des moyens dont nous disposons pour interagir avec nos semblables, il devient aisé de comprendre qu’une attention infinie doit être porté sur tous les signes non-verbaux dans le cadre d’un accompagnement au changement, sous peine de partir dans une mauvaise direction ou au mieux de n’avoir qu’une vision très réduite de la réalité.
Dans le cadre du coaching mental, une vigilance accrue est enseignée à ne pas se laisser piéger par les mots et à appréhender la réalité de notre client au travers d’un décodage pointu, par de nombreux outils, des partitions sous-jacentes de sa communication, de ses stratégies inconscientes de fonctionnement.
Comment il dit ce qu’il dit est tellement plus déterminant que ce qu’il dit, et apprendre à lire ce qui est dit derrière ce qui est dit est d’une importance capitale pour une intervention pertinente !
Nous laisser emporter par l’anecdote que constitue le récit nous fait bien souvent rater la trame profonde, sous -jacente des véritables enjeux de la situation
Il ne faut pas que le caractère hypnotique du flux narratif entraîne le coach dans un état proche de celui de Mowgli sous les yeux de Kaa !
Cet apprentissage pourrait bien sûr trouver tout son sens dans toute interaction humaine et bien des conflits interpersonnels pourraient être désamorcés si chacun pouvait appréhender la réalité de l’autre dans une vision beaucoup plus profonde et vaste de son champ de communication.
Nous avons été invités à monter dans l’avion, elle est montée seule, il n’est pas parti.
Il savait pourquoi il était trop tard.
Je me suis assis près du hublot, un peu touché par ce dont j’avais été témoin malgré moi et j’ai prié que le siège juste à côté de moi reste vide pour une fois.
Ma prière n’a pas été entendue.
Mais mieux est arrivé.
Une très vieille dame est venue s’asseoir.
Regard vif, espiègle, qui contrastait avec l’extrême vulnérabilité de sa silhouette.
Ses mains traversées par le temps ont sorti un livre de son cabas : « La cuisine sauvage - accommoder mille plantes oubliées. »
Ça m’a fait du bien !
Je lui ai souri.
J’ai respiré et me suis promis de faire attention à ne plus jamais arriver trop tôt quelque part.
J’ai fermé les yeux.
Mon casque …
Musique !